Capitale de la Zone Interdite

Publié le par la Princesse en personne

Anne-Phie Delavillearrière- Bonsoir, bienvenue dans ce nouveau numéro de Capitale de la Zone Interdite.

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Ce soir, reportage en Biélorussie, dans les studios de la chaîne la plus populaire: 1BY. Là, chaque jour, des équipes travaillent à adapter toute émission étrangère à l'humour et à la culture bien propres aux Biélorusses (tout est toujours bien propre là-bas).

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Avec notre équipe, nous avons suivi Olia, Vika, Youlia, Xenia et Natalia, cinq jeune femmes qui ont repensé l'intégralité du programme L'épine les pine (diffusé sur TMLF en juillet 2007) pour qu'il soit en accord avec les attentes de ce public soviétique. Reportage. Par Fannytchka Ramovitch.
         

                           

Fannytchka Ramovitch (voix-off) -17h. A Minsk, dans les studios Fanïouchka, on s'active. Ce soir, le concours L'épine les pine va être diffusé en léger différé. Les surdoublages de la bande son doivent être prêts. On débat pour savoir comment les commentaires vont être réécrits. Car pas question de traduire les paroles françaises originales. Le public n'est pas prêt à recevoir ce genre d'informations.

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Xenia propose un nouveau concept pour la mardelle: « Vos enfants ont peur d'apprendre à nager? Avec cette marelle, faites-les plonger dans l'eau en s'amusant. Vous pouvez même masquer le trou, afin qu'ils plongent par surprise. » Les enfants, on le sait, adorent les surprises...L'idée est retenue.

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Puis c'est Vika qui voit dans le Tobo-râpe un excellent moyen de créer un Hobby pour babouchka. Les mémés adorent en effet recoudre les fonds de culottes, et la défense des petites gens est la préoccupation de tous.  Puis d'ajouter que les enfants sages peuvent aussi l'utiliser en sens inverse, juste pour le plaisir.

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On hésite. Le vendre pour les écoles serait rentable. La punition par le jeu. S’adapter à l'esprit ludique de l'enfance, dans les sanctions...

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Mais le problème se pose particulièrement dans le cas de la suce-tus... Pour Natalia, le marketing doit reposer sur le bio: « fini les objets artificiels, voici une tétine naturelle. Les enfants doivent grandir et s'épanouir au contact de la nature... »

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Mais pour Olia, on aura plus d'impact dans ce pays en misant sur la famille... Elle suggère :

"Mères d'enfants en bas âge, et je suis sûre qu'il y en a beaucoup parmis vous, cet objet est fait pour vous! Imaginez... Votre enfant est calme, il dort paisiblement - vous l’avez tellement bien élevé ! Votre mari vous ordonne de profiter de cet instant pour faire le ménage... Tournez l'anse sur la droite, le mode cactus s'active. Votre enfant hurle, pleure. Vous n'avez d'autre choix que de le bercer et de jouer avec lui. Vous échappez ainsi aux corvées ménagères! Cet instrument deviendra vite indispensable..."

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Elle fait l'unanimité. Elle a trouvé exactement le filon qui sera vendeur dans ce pays. Sa "traduction" est adoptée...

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Mais alors, quelles sont les réactions en France, chez les inventeurs qui ont déposé un brevet sur ces objets et leur fonctionnement?

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Aucun problème, nous assure-t-on. L'information a en réalité très peu de risques d'aller au-delà de la frontière.

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Dans la plus stricte confidentialité, le pays peut ainsi modifier le contenu de l'ensemble des programmes étrangers et préserver le peuple biélorusse d'une évolution des moeurs et des esprits indésirable.

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Car la censure et la reformulation ne s'arrêtent pas aux actualités et informations internationales... Les séries télévisées rentrent, elles-aussi, au chausse-pied dans le moule biélorusse.

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Ainsi, la fameuse Nounou d'enfer est entièrement retournée avec des acteurs slaves, ceci afin que l'on ne soupçonnât pas que l'allure des femmes biélorusses d'âge mûr, très apparenté à  celle de Sylvia Fine, mère de ladite Nounou, puisse sembler grotesque en occident. De même, les tenues de la jeune Fran ne sauraien têtre incongrues au pays de l'invention de la mini-mini-jupe.

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La nation, dans son coccon protecteur, peut ainsi être pleinement heureuse, ne sachant qu'une chose,  que son pays est le plus beau de tous les pays slaves. De même, elle ne s'inquiétera pas de problèmes écologiques tels que le manque d'eau à venir ou la radioactivité des fruits des bois.

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Car, comme le fait remarquer Tatiana : "Tant qu'on ne sait pas, on n'a pas peur. » Avec une pointe de nostalgie dans la voix, elle ajoute : «  Autrefois avant d'entendre parler du SIDA, on vivait paisible. Les gens me demandaient toujours quand j'allais en France comment on fait ici pour vivre au quotidien en territoire radioactif. On ne fait rien. On ne se pose pas la question." Elle sourit. « Est-ce que j’ai l’air d’aller mal ? » Non, elle n’a pas l’air d’aller plus mal que toutes ces personnes nourries au césium-137.

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Tout va bien. Tout va même pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

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